Cabra : découverte d’une carrière de meules en Espagne
Sur le site de la carrière, nous avons été accueillis par M. Francisco Casas Marín, conseiller municipal de la ville de Cabra en charge du Patrimoine et du tourisme et par M. Antonio Moreno, directeur du Musée archéologique de Cabra. Tim Anderson nous donna tous les éclaircissements nécessaires pour comprendre les méthodes d’extraction des meules.
La cantera de los Frailes est l’un des plus gros sites d’extraction de meules (15 000 m2) du sud de l’Espagne et l’un des plus spectaculaires. La carrière est située le long du ruisseau Frailes dans le Parc National des Sierras subbéticas, cinq kilomètres à l’est de la ville de Cabra.
Le géologue Ezquerra del Bayo traite du site dans deux publications différentes, au milieu du XIXe siècle. La première date de 1847 et enregistre une importante production de meules « à une lieue à l’est de Cabra ” (Montero 2008 : 168), une distance qui coïncide parfaitement avec le site. Dix ans plus tard, le géologue fait référence à « une vaste et ancienne carrière d’extraction de meules de moulins qui sont distribuées à travers la région » (Ezquerra del Bayo 1856 : 384-385). La principale source d’information, sur ce site, est cependant un article récent sur les moulins à eau dans la ville de Córdoba (Montero 2008), publié dans les actes d’un colloque molinologique. Il n’y a aucune mention de ce site dans le dictionnaire de géographie de Madoz.
Le nom Los Frailes (les Frères) vient de la ferme en amont du site et est peut-être lié à l’Ermitage de Notre-Dame de la Sierra au sommet de la montagne. Le site est un exemple classique de banc carrière coupant dans le flanc d’une colline. Les cylindres ont été taillés directement dans le substrat rocheux (véritable extraction) résultant en de nombreux creux tubulaires verticaux avec des marques d’outil bien conservées.
Une caractéristique unique de ce site est la série de carrés d’extractions multiples clairement visibles dans les vues aériennes. Ces carrés pourraient délimiter les différentes concessions.
Il y a aussi « une cheminée très haute » qui semble laissée volontairement dans le milieu de la zone d’extraction. On retrouve ce curieux élément dans d’autres carrières (notamment carrières de construction), par exemple à Sisapo ou sur le célèbre site d’El Mèdol à Tarragone. Cette fonctionnalité a été interprétée comme une limite entre concessions. Les flancs de la roche exploitée sont recouverts de lignes diagonales multiples résultant de l’utilisation du pic pour dégager la roche suivant la méthode de coupe en tranchées circulaires. Le sol est recouvert de débris ou de végétation.
Le site montre des centaines de meules extraites. Bien que certaines soient grandes (1,40 m de diamètre), la plupart font environ 1 m de diamètre.
Le site est divisé en deux parties par une vieille route. Le long de la route est un groupe des meules « en attente » d’être chargées pour le transport. Il n’est cependant pas certain qu’il s’agisse d’une mise en scène.
Ezquerra del Bayo (1856 : 385) commente que les meules Cabra ont été commercialisées dans la région et ont même atteint la ville de Malaga, 85 km au sud (à vol d’oiseau). Dans tous les cas, les recherches pétrographiques indiquent que les pierres de Cabra se retrouvent dans les moulins à eau de Córdoba, à 60 km au nord-ouest (Montero 2008). Il n’existe aucune trace de moulins à bras ou de meules romains.
Le travail du géologue Ezquerra del Bayo situe ce lieu de la production au milieu du XIXe siècle. Il est raisonnable de supposer que la production était encore plus ancienne, au moins à partir du début du XIXe siècle, sur la déclaration de Ezquerra selon laquelle Los Fsraisles était déjà une carrière de meules établie de longue date. Dans un protocole notarial de 1904 (Cordoue de la Llave et Varela 2011 : 335), on parle d’une meule de « Cabreña » (signifiant « de Cabra’’) au moulin à eau à Aguilar de la Frontera (à 25 km). Cela placerait la production au plus tard au début du XXe siècle. Ce qui pourrait coïncider avec plusieurs modèles de meules abandonnées sur le site dont le diamètre est de 1,40 m.
Dans la littérature du début du XIXe siècle, la roche est définie respectivement comme un grès avec une brèche calcaire. C’est en fait un calcaire nodulaire rosâtre avec des fossiles d’ammonites sporadiques (Rosso Ammonitico facies). (Carte géologique 989, Lucena, 1988)
D’après l’ouvrage de Tim Anderson – Turning stone to bread A Diachronic Study of Millstone Making in Southern Spain- Catalogue of sites.
